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Dimanche 07
Mars 1999
Rivière Sainte-Suzanne : surpris par les pluies torrentielles
sur les hauts de l'île
Quatre canyoneurs portés disparus
Hier, en début d'après-midi, un groupe de canyoneurs
est surpris par un mur d'eau dans la rivière Sainte-Suzanne.
Dans la soirée, quatre membres de l'équipe étaient
portés disparus, en dépit d'importants moyens de secours
déployés par le corps des sapeurs-pompiers et la gendarmerie.
20h36, hier soir, les sapeurs-pompiers de Sainte-Suzanne et de
Sainte-Marie regagnent leur caserne respective. Les recherches pour
retrouver quatre personnes, dont un touriste, appartenant à
une équipe engagée dans une sortie de canyoning sur
la rivière Sainte-Suzanne - bassin Buf- reprendront ce matin
dès 7h. Malgré des recherches rapidement engagées
dès l'alerte, qui s'est déroulée en deux temps,
les six autres membres du groupe, regroupés autour d'une
fourgonnette où sont stockés mousquetons, casques,
et cordes de rappel, sont contraints de se rendre à l'évidence
: il n'y plus a plus rien à faire, la nuit noire qui étouffe
Bagatelle rend vaines toutes recherches. Quelques heures plus
tôt, en début d'après-midi, l'expédition
se serait laissée surprendre par une brusque montée
des eaux provoquée par les importantes précipitations
du jour. 14h36 le standard du service départemental
d'incendie et de secours (SDIS) vire au rouge. L'alerte, donnée
par une femme non identifiée, est précise : quatre
personnes ont été emportées par les eaux. Peu
après, nouvel appel, même source : "Les vacanciers
ont été retrouvés" et sont regroupés
sur la berge. A 16h15, le SDIS est de nouveau en branle, il est
question cette fois d'une seule personne portée disparue.
Mais ce n'est pas fini : à 18h, le SDIS est de nouveau contacté
et cette fois il est de nouveau question de la disparition de quatre
personnes ! Dans l'après-midi, les sapeurs-pompiers
de Sainte-Suzanne, appuyés par l'hélicoptère
de la gendarmerie avaient entamé des recherches mais en vain.
Le responsable de l'expédition, sans doute choqué,
et qui n'a pas souhaité s'exprimer sur les conditions de
cette entreprise, a inspecté en vain les berges de la rivière
jusqu'à ce que tombe la nuit. Deux sapeurs-pompiers de Sainte-Suzanne
effectuaient pour leur part le guet au niveau du radier de Sainte-Suzanne,
submergé et fermé à la circulation, hier soir
encore. En début de soirée les sapeurs-pompiers de
Sainte-Marie, équipés de lampes puissantes sur leur
véhicule étaient appelés en renfort. En présence
du major Delaunay, de la compagnie de gendarmerie de Sainte-Marie,
du commandant du centre de secours principal de Saint-Denis, les
secouristes tentaient de trouver une faille dans la nature, afin
d'accéder aux différents bassins - Nicole, Boeuf,
Grondin -, mais en vain. Dans le mugissement de la rivière
Sainte-Suzanne, les sapeurs-pompiers, apprenaient que les recherches
étaient abandonnés provisoirement et qu'elles rendraient
dès 7h, ce jour. J.-B.C_
Le témoignage de kayakistes de l'Est
"Un mur d'eau"
Des kayakistes qui s'apprêtaient à effectuer une
descente de la rivière du Mât témoignent de
la brutalité des arrivées d'eau dans les bas hier
en tout début d'après-midi.
Contrairement aux randonneurs et autres amateurs de canyoning,
les kayakistes confirmés ne redoutent pas la pluie qui, en
gonflant les cours d'eau, leur permet d'exercer tous leurs talents
en se jouant des obstacles. Hier après-midi, les conditions
pouvaient donc sembler idéales avec l'apparition d'une pluie
bienvenue alors que la saison cyclonique, en principe propice aux
activités d'eau vive, n'a pas provoqué de montées
de niveau particulièrement remarquables ces derniers mois.
Pourtant, cette fois, c'en était trop : après avoir
roulé plusieurs kilomètres en amont du pont de la
rivière du Mât, venant de Bras-Panon, sur le CD 48,
ils notaient une hausse de plus en plus impressionnante du débit.
Et, avant même d'atteindre le point de mise à l'eau
des kayaks, tombaient sur un véritable mur d'eau. Une kayakiste
du groupe, loin d'être novice, décrit même une
"vague" comme elle n'en a jamais vu en huit années
de pratique. Aussitôt, ils effectuaient un demi-tour,
pour alerter d'autres pratiquants, moins chevronnés, installés
beaucoup plus en aval, où prévalent des conditions
plus calmes. Heureusement, dans cette partie basse de son cours,
le lit de la rivière du Mât s'élargit, permettant
au flot de s'étaler et à la vague de perdre de sa
puissance. Il n'en est malheureusement pas de même en amont,
où l'étroitesse des gorges transforme le moindre torrent
en tueur potentiel en cas de crue. F. M.-A.
A la Réunion : des
crues foudroyantes
Contrairement à l'Europe, écrit Pascal Colas (Réunion
Sensations) dans "Le Paradis du canyoning", ouvrage de
référence en la matière, où, "même
après une période de beau temps, un seul orage violent
peut entraîner de soudaines et dangereuses crues", à
la Réunion, en raison de "la nature peu homogène
du terrain et () la porosité des basaltes favorisant l'infiltration,
il faut d'abord que le sol arrive à saturation pour qu'ensuite
les pluies soient canalisées dans les canyons". Aussi,
continue l'auteur, à l'origine de l'ouverture de nombreuses
voies dans toute l'île depuis 1989, "chaque crue est
précédée d'une période suffisante durant
laquelle toute personne prudente et avisée peut éviter
le danger". Tout l'art est alors d'apprécier le
risque Pascal Colas rapporte que ce danger doit être pris
très au sérieux, "les crues réunionnaises
pouvant être foudroyantes et d'une rare violence: 550 mètres
cubes par secondes pour Langevin (). Les crues peuvent multiplier
par plus de mille le débit d'étiage [Ndlr: de leur
plus bas niveau] des cours d'eau (). Dans certains passages très
étroits comme le bras de caverne [Ndlr : un affluent de la
rivière du Mât, venant du renommé Trou de fer],
l'eau peut monter d'une quinzaine de mètres (). En quelques
minutes, le paysage se transforme en décor d'apocalypse ()"
Lundi 08 Mars 1999
Rivière de Sainte-Suzanne
: un touriste italien trouve la mort, 3 personnes sauvées
des eaux
Une enquête pour déterminer
d'éventuelles responsabilités
Un mort - un touriste Italien âgé de 35 ans - et
trois personnes sauvées des eaux en furie par les spécialistes
du peloton de gendarmerie de haute Montagne (PGHM). Tel est le bilan
de la tragique excursion de canyoning menée par deux groupes
de canyoneurs, dans la rivière Sainte-Suzanne, samedi dernier.
Une enquête est désormais menée pour déterminer
les responsabilités induites par ce drame.
Le corps sans vie du touriste italien, âgé de 35
ans, emporté par les eaux samedi dernier, en début
d'après-midi, dans le canyon de la rivière Sainte-Suzanne,
a été retrouvé, dimanche matin, vers 7h, face
contre terre, à environ 200 mètres de la cascade Niagara.
Soit à plus de 4 km du point initial. Par ailleurs, dans
la nuit de samedi, vers 23h, les gendarmes du PGHM, réussissaient
le tour de force de récupérer, en pleine nuit, trois
membres d'un groupe de 11 "amateurs" passionnés
de montagne. Ils avaient été surpris le même
jour, par "un mur d'eau", et les trois membres de l'équipe
avaient trouvé refuge dans l'une grottes, sous une cascade.
Le bilan aurait être beaucoup plus lourd confie les spécialiste
du PGHM. Retour sur l'opération de secours, dirigé
par l'adjudant-chef Hémin, patron du PGHM, et qui a débuté
samedi dernier, en début d'après-midi. L'alerte est
venue du service départemental d'incendie et de secours (SDIS).
Il est question alors de plusieurs personnes bloquées dans
le canyon de Sainte-Suzanne à la suite d'une brusque montée
des eaux. Une équipe du PGHM est envoyée sur
place et une première reconnaissance est effectuée
grâce à l'hélicoptère de la gendarmerie.
Les guides de haute montagne se rendent rapidement compte que les
conditions d'intervention seront pour le moins difficiles. Le débit
de l'eau est très important et de chaque côté
de la rivière les berges sont submergées. Peu
temps après cette première alerte, confie l'adjudant-chef
Hémin, un nouvel appel du SDIS signale que les canyoneurs
en danger sont sortis d'affaire. Ce n'est qu'en fin de fin de journée
et cela recoupe la main courante du SDIS, c'est-à-dire, vers
18h, que la situation se gâte. Il est de nouveau question
de quatre portés disparus. Le PGHM met alors en branle le
plan d'intervention classique. Il est fait appel à un médecin
du SAMU, entraîné pour intervenir dans ce genre d'opération,
l'hélicoptère est mobilisé, le matériel
spécifique pour des interventions de nuit chargé.
Deux groupes ont été en fait surpris par un mur d'eau
: le premier est composé de 11 personnes. Une équipe
"d'amateurs", déclarait hier l'adjudant-chef Hémin.
Ils ont débuté leur périple depuis tôt
le matin, en amont du bassin Nicole. Lors de la montée soudaine
de l'eau, le groupe a été dispersé. Huit d'entre
eux ont réussi à gagner la berge et supposent à
ce moment que les trois manquants à l'appel se sont réfugiés
dans une grotte. Mais aucun témoin direct des faits n'est
en mesure de l'affirmer, souligne le patron du PGHM. Un deuxième
groupe, a été également happé par la
montée des eaux. Selon les premiers éléments
de l'enquête, cinq touristes dont deux Italiens, se trouvaient
sous la responsabilité d'un moniteur, employé de la
société Jacarandas. Ce deuxième groupe,
totalement indépendant du premier, a démarré
la descente du canyon, aux environs de 14h, en aval du premier groupe,
au lieu-dit : l"Arche. Ils avaient déjà effectué
des descentes en rappel de 5 et de 17 mètres, lorsqu'en l'espace
de quelques secondes, ils verront s'abattre un véritable
mur d'eau. Quatre membres de l'équipe s'accrochent comme
ils peuvent aux branches et galets et parviennent à se sortir
de la des eaux en furie. Néanmoins, le guide et le touriste
Italien, Paolo Aniballi, sont entraînés et feront une
chute de 25 mètres.
"Le risque zéro n'existe pas"
Selon Renaud Iltis, notamment moniteur fédéral
de canyoning et initiateur également, samedi dernier "la
rivière Sainte-Suzanne, même présentant un débit
supérieur à la moyenne peut, jusqu'à un certain
débit, être pratiquée sans danger notoire du
fait du profil très ouvert qui permet une évacuation
rapide tout au long de la descente", selon Renaud Iltis, samedi
dernier, "au milieu de l'après-midi, un phénomène
à priori sans précédent a eu lieu". Un
phénomène qui s'explique selon lui par "des pluies
sûrement très violentes et très localisées,
un véritable mur liquide aurait dévalé, tel
un raz de marée, les principales rivières " de
l'Est. Il en veut pour preuve que "des kayaquistes alors présents
sur les rivières du Mât et de Saine-Suzanne ont rapporté
ce phénomène les nombreux kayaquistes présents
sur les rivières samedi", poursuit-il, "pourront
le confirmer un tel phénomène était complètement
imprévisible et c'est un miracle qu'il n'y ait pas eu d'autres
victimes à déplorer, soit dans leurs rangs, soit parmi
les marmailles qui se baignaient aux abords des rivières".
Pour Renaud Iltis, il est vrai et important de souligner que
"c'est à la charge de l'encadrant d'assurer au maximum
la sécurité d'un groupe mais il faut que les participants
admettent que le risque zéro n'existe pas". Il appartiendra
néanmoins aux enquêteurs de déterminer si les
règles de sécurité de base ont été
respectées à la suite du drame qui s'est joué
ce week-end dans le canyon de Sainte-Suzanne.
A 20 heures, samedi, alors que les sapeurs-pompiers de Sainte-Suzanne
et de Sainte-Marie regagnent leur caserne, le PGHM, équipé
de matériels adéquats, projecteurs puissants et étanches,
bras télescopique, entreprennent de nouvelles recherches.
LE MONITEUR PARVIENT NÉANMOINS À GAGNER
LA BERGE L'objectif alors de retrouver le plus rapidement
possible le touriste italien, d'autant plus que sa combinaison a
été retrouvée dans l'un des bassins. Mais finalement,
les recherches s'avèrent vaines, remontant le canyon, quatre
gendarmes du PGHM, distinguent à travers une cascade, au
lieu dit, le saut de Tarzan, un casque brillant. Il s'agit des trois
membres du premier groupe. Il est 23 heures, les trois membres du
premier groupe portés disparus sont récupérés
sains et saufs. Quelques instants plus tard, il est décidé
de reprendre les recherches dès la première heure,
dimanche matin, afin de retrouver Paolo Aniballi. Hier matin, une
équipe de plongeurs est se rend sur les lieux afin de fouiller
divers bassins. En aval du canyon, sapeurs-pompiers de l'Est, gendarmes
mobiles, militaires de l'Elément léger d'intervention,
(ELI) entreprennent des recherches. Le canyon est confié
bien entendu aux 11 hommes du PGHM. Aux environs de 7 heures, l'hélicoptère
de la gendarmerie repère un corps inanimé, face contre
terre, à 200 mètres des chutes de Niagara. Il s'agit
de Paolo Aniballi. Le touriste a été traîné
sur quatre kilomètres. Sous la violence de l'eau, une partie
de sa combinaison a été arrachée. Le corps
est hélitreuillé puis pris en charge par une société
de pompe funèbre sur le stade de Bagatelle avant d'être
transféré sur le centre hospitalier Félix Guyon
de Saint-Denis. Une autopsie a d'ailleurs été
effectuée alors que les gendarmes se chargeaient d'alerter
le consul honoraire d'Italie. Ce dernier recevait également
hier matin, l'un des amis de la victime, qui avait décidé
de passer quelques jours de vacances dans notre île. La famille
de la victime, résidant à Rome, était alors
contactée. Hier soir, le consul honoraire déclarait
que le rapatriement devrait s'effectuer le plus rapidement possible.
Après la phase de secours pure, une autre mission a
été confiée au PGHM. Il reviendra à
l'adjudant-chef Roger Hémin de remettre au parquet de Saint-Denis
des éléments techniques. Une expertise qui permettra
à la justice de déterminer si oui ou non il y a eu
imprudence, erreur, mauvaise appréciation des conditions
climatiques, du moniteur qui encadrait le groupe de touristes. Le
canyon de Sainte-Suzanne est qualifié de "peu engagé".
C'est un site qui possède de nombreuses "échappatoires",
et certaines portions peuvent être utilisées pour des
initiations. Par ailleurs, d'aucuns s'accordent à dire
que la brusque montée des eaux dans le canyon de Sainte-Suzanne,
peut être qualifiée d'exceptionnelle. Mais seule l'enquête,
d'une part pour l'aspect technique, confiée au PGHM, - qui
a d'ailleurs déjà entendu les protagonistes de ce
drame - appuyée par les investigations classiques des gendarmes
de la brigade de Sainte-Suzanne, permettra de dire oui ou non si
ce drame pouvait être évité. J.-B.C.
REFLEXIONS
ET HYPOTHESES CONCERNANT CET ACCIDENT AVEC LE TEMOIGNAGE "ON-LINE"
D'UN MEMBRE DU GROUPE DE 11 CANYONEURS |