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On
ne peut que regretter les traces omnipresentes de l'industrialisation
dans certains canyons. Ce sont également les canyons secs
de l'ouest bien souvent transformés en décharge, où
l'on trouve en bas des cassés ordures diverses et carcasses
de machines à laver. Si des initiatives sont prises localement
et ponctuellement pour nettoyer ces ravines, le spectacle pour nous,
canyonneurs, est souvent affligeant. Comment faire comprendre à
la population qu'il faut préserver la nature quand les élus,
l'ONF et le Conseil général acceptent sans mot dire
la dégradation des sites telle la vallée de Takamaka,
paradis du Canyoning.
Quel
gâchis !...
Après EDF et ses barrages, le conseil général
et son téléphérique...
Takamaka, vallée-poubelle depuis 35 ans 
"Rivière-des-câbles", "Ilet-à-ferraille"
ou encore "Bras-rouillé" pourraient être
les surnoms des gorges de Takamaka, transformées depuis 1964
en un immense dépotoir de matériaux de construction.
Dernier "oubli" en date, les immenses câbles du
téléphérique démonté au début
de l'année par le conseil général via la société
ATS. Bravo pour l'exemple.
"Et au milieu coulait une rivière...". Jadis
vallée sauvage tous juste fréquentée par quelques
braconniers en quête de chevrettes et "zanguilles",
Takamaka vivait depuis des millénaires au rythme simple et
répétitifs des crues d'été et des étiages
d'hiver. A partir de 1964 et le début des travaux de la future
centrale hydroélectrique, l'homme entreprend alors de domestiquer
la rivière des Marsouins pour offrir à la Réunion
l'électricité nécessaire à son développement.
Commencent alors de gigantesques travaux (500 ouvriers, 26 000 m3
de béton coulé, 1 000 tonnes d'acier utilisé,
etc.) qui dureront jusqu'en 1968. Dix-huit ans plus tard, afin de
répondre au mieux à la demande croissante des Réunionnais
en électricité, d'autres énormes chantiers
seront réalisés pour la construction de l'unité
"Takamaka 2". Des travaux à répétition
qui vont laisser des traces... A la fois par manque de moyens financiers
mais surtout par manque de respect envers l'environnement, les entreprises
de construction, avec la bénédiction de leur employeurs,
vont laisser dans la rivière et dans la vallée des
dizaines de tonnes de ferraille en tout genre, des kilomètres
de câbles électriques et de milliers de boulons.
A l'image d'une employée de maison qui glisse son petit tas
de poussière sous le tapis, les bétonneurs se "lavent
les mains" dans la rivière ... Sous l'épais manteau
vert se cachent aujourd'hui encore d'incroyables enchevêtrements
de ferrailles. Les pêcheurs, canyonnistes et mêmes les
braconniers peuvent en témoigner, même si les derniers
cités sont généralement peu bavards... Sur
des kilomètres de rivière en effet, en aval du barrage
de Takamaka 2, la rivière des Marsouins est encombrée
de bouts de fer rouillés et tranchants, de pics acérés
et de câbles électriques épais comme des rosettes
de Lyon, courant dans le lit des cours d'eau sur plusieurs centaines
de mètres parfois. Bref, "l'enfer vert" originel
s'est transformé, en quelques années, en un véritable
"enfer fer". Si, par le biais de panneaux très
explicites, EDF déconseille fermement aux promeneurs et autres
pêcheurs de descendre dans le lit de la rivière, on
se demande finalement si ce n'est pas plus pour le risque d'empalement
que pour les risques de lâchers incontrôlables liés
au fonctionnement automatique du barrage, une version largement
contestée par les canyonnistes, très mécontents
d'être interdits de "glissade" sur toute cette partie
de rivière (voir notre encadré). Pour beaucoup, il
s'agit surtout pour EDF de cacher les souillures des 35 années
de travaux - certes importants - mais dont les déchets n'ont
été que très partiellement nettoyés,
par souci d'économie principalement et en misant sur le fait
que pratiquement personne ne descend dans ses gorges, donc que les
témoins sont plutôt rares... APRÈS
EDF, LE CONSEIL GÉNÉRAL... Dernier exemple
en date de travaux inachevés, le démontage récent
du téléphérique monté en 1985 par l'entreprise
Bouygues et destiné à la construction de l'unité
de Takamaka 2. Depuis plus de dix ans en effet, la cabine du téléphérique
était immobile et suspendue à plus de 200 mètres
au-dessus de la vallée. A la fin des travaux en 1989, le
conseil général s'était vu rétrocéder
- à sa demande et pour un franc symbolique - ce téléphérique.
A l'époque, le Département s'était mis dans
la tête de transformer ce monte-charge en outil pour le développement
touristique. Après quelques études, le projet fut
abandonné, le coût de mise aux normes de cette installation
étant trop excessif, rien de surprenant... Bouygues n'étant
plus là pour démonter son installation, le téléphérique
de Takamaka allait rester ainsi "pendu" pendant dix, bravant
les pluies et les bourrasques cycloniques. Il faudra attendre 1999
pour voir, enfin, le conseil général entreprendre
le démontage de cet ouvrage rouillé, aux relents presque
pathétiques et de plus en plus dangereux pour ceux qui auraient
le malheur de se trouver en dessous si le câble venait à
céder. Le conseil général confia alors une
enveloppe de 600 000 F à l'entreprise Alpes travaux spéciaux
(ATS) pour mener à bien ces opérations de démontage
que Bouygues aurait fait, à l'époque, pour pas un
rond. Bref, l'exemple même d'une opération coûteuse
pour un "machin" qui n'a jamais servi à la collectivité
publique. Ok, on passe l'éponge et on attend avec impatience
que la vallée retrouve son visage d'antan... Immédiatement
pourtant, le chantier dérange. Tout d'abord, le conseil général
décide de commencer les travaux en pleine période
cyclonique. Un choix surprenant d'autant que ce téléphérique
attend sa "mise à mort" depuis dix ans et que trois
ou quatre mois supplémentaires n'auraient rien changé
à l'affaire. Début février qui plus est, la
saison de pêche bat son plein. Ainsi, le début du chantier
à une date aussi inopportune prive plusieurs centaines de
pêcheurs de leur passe-temps favori, alors que ces derniers
ont payé 300 F à la Fédération départementale
le droit de pratiquer leur activité dans la légalité.
Prévus pour durer 5 semaines (voir notre édition du
19 février), les travaux vont finalement s'étaler
sur plus de deux mois. Et le plus étonnant reste à
venir : Si la cabine et les plates-formes ont bel et bien été
démontées et évacuées, les immenses
câbles du téléphérique n'a pas été
enlevés comme prévu. Long de quelques centaines de
mètres et pesant plusieurs tonnes, ils serpentent dans la
rivière (pour partie) mais principalement dans l'épaisse
végétation. Sans même descendre, il est possible
d'en voir une section du parking du PK12. Deux grandes saignées
parallèles, facilement visibles à l'il nu du même
parking, marquent la chute des câbles. Personne, à
ce jour, ONF compris, ne semble véritablement s'émouvoir
du fait que la vallée de Takamaka continue à servir
de dépotoir à ceux qui sont censés donner l'exemple
et qui font, une fois de plus, preuve de leur inconséquence
et de leur légèreté. Détail amusant,
un panneau disposé à l'entrée du parking demande
aux visiteurs de ne pas salir les lieux. On vit vraiment une époque
formidable...
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Privé de canyon par arrêté
préfectoral
Depuis quatre ans et par décision préfectorale,
la pratique du canyonning est interdite entre les deux barrages
EDF situés dans la partie amont de la rivière des
Marsouins, visibles depuis les parkings de Bélouve et du
PK12. Cette interdiction est bien entendue respectée par
les sociétés spécialisées dans l'initiation
grand public de ce sport d'eau vive. Comme bon nombre de pratiquants,
Vincent Etchar, responsable de la commission canyoning au sein de
la Fédération française Montagne et Escalade,
estime que la raison de cette interdiction, à savoir le risque
d'une crue soudaine due à un lâcher de barrage, ne
"tient pas vraiment debout". Selon lui, ces lâchers
ne sont pas suffisamment significatifs pour mettre en danger les
canyonnistes à condition que ces derniers ne se trouvent
pas dans la toute première gorge encaissée située
300 mètres en aval du barrage. Dans les sections autorisées
(plus en aval) les canyonistes doivent faire preuve de la plus grande
prudence pour ne pas "s'exploser" contre d'énormes
bloc de bétons, probables résidus de la construction
des barrages. Avec - en plus - les lignes de fonds des braconniers
qui s'accrochent parfois à leurs guiboles, la vie des canyonistes
n'est pas de tout repos à Takamaka...
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La rivière des Galets elle aussi
"ferraillée"
Très remontés contre les aménagements du
pharaonique chantier du transfert des eaux d'Est en Ouest, les responsables
de la Société réunionnaise pour l'étude
et la protection de l'environnement (Srepen) nous écrivait
le mois dernier pour nous alerter de la présence massive
de ferraille en tout genre dans la rivière-des-Galets, ce
qui, à la rédaction, ne nous a pas spécialement
surpris compte tenu de ce que nous avions pu constater dans la rivière
des Marsouins. Pour mémoire, nous vous publions une seconde
fois ce courrier intitulé "Sentier de grande randonnée
et ferraille" : "Si vous empruntez la variante du GR2
dans Mafate en remontant la rivière des Galets, faites attention
en particulier entre les Deux-Bras et le Bras-d'Oussy ! En effet,
des fers à Béton dardent entre les rochers et guettent
la moindre glissade, le moindre faux pas, c'est extrêmement
dangereux ! D'où viennent ces ferrailles ? Ce sont les restes
du chantier du transfert des Eaux charriés par les crues.
Ces pièges sont de plus en plus fréquents à
l'approche du barrage de la rivière des Galets. Il reste
au maître d'uvre du projet à payer quelques jours de
travail à une équipe munie de pinces coupantes et
autres outils pour déferrailler le cours d'eau. Il faudra
sans doute recommencer cette opération pendant quelques années
après chaque crue !". On peut toujours rêver...
Samedi 15 Mai 1999
Reçu par Mail
ces précisions de la Société A.T.S, spécialiste
à la Réunion des travaux acrobatiques, et canyonistes
eux mêmes. La responsabilité semble donc provenir
des autorités et du Conseil Général : attristant
! "...si je vous écrit aujourd'hui c'est
pour rétablir, comme nous l'avons fait avec le journaliste
du JIR, la réalité des travaux de démontage
du téléphérique de Takamaka. L'équipe
qui a démonté ce téléphérique
et moi même, sommes des amoureux de la nature et nous ne ratons
pas une occasion de faire un canyon le week-end. Ce que nous avons
découvert à Takamaka, nous a révolté.
Chaque bassin est encombré de blocs de bétons, de
pièces mécaniques et hydrauliques, de différents
câbles de toutes tailles, sans parler des hydrocarbures qui
devaient accompagner tout ce matériel. Nous étions
là pour démonter le téléphérique
et l'évacuer, ce que nous avons fait. Malheureusement, et
vous le comprendrez, nous n'avons pas les moyens financier pour
nettoyer la vallée. Mais nous avons établi un devis
que nous avons transmis au conseil général, il est
resté sans réponse. Je peux vous assurer que nous
avons récupéré la totalité du câble
du téléphérique, il est dans notre atelier
enroulé sur deux gros touret, car nous pensons pouvoir le
réutiliser un jour. Lors de la réception du chantier,
le conseil général nous a accusé d'avoir laissé
des bouts de câble dans la nature, et menacé de ne
pas régler les travaux. Nous les avons invité à
descendre avec nous dans la vallée en compagnie de représentant
d'EDF. Là devant l'inventaire des détritus accumulés
par les différents chantiers ils ont bien constaté
qu'aucun des câbles présents dans la vallée
n'ont pu faire partie du téléphérique. Le cable
en photo sur votre site est d'un diamètre bien inférieur
à celui des cables du téléphérique.
Je vous prie de croire que nous ne sommes pas des irresponsables
et des pollueurs, au contraire sur tous nos chantiers on peu se
vanter d'avoir laissé le site plus propre que nous l'avons
trouvé..." A.T.S. REUNION
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