TROIS BASSINS : CANYONING INTERDIT ?

( Documents Le Journal de l'Ile)

 

 

 

 

 

L'ENQUÊTE HYDROGÉOLOGIQUE PRÉCONISE L'INSTALLATION DE PÉRIMÈTRES DE PROTECTION AUTOUR DES BASSINS DE LA RAVINE SAINT-GILLES

Allez vous baigner ailleurs !

Première grande étape avant l'interdiction probable de la baignade dans les bassins de la ravine Saint-Gilles, les consultations publiques seront lancées dans quelques jours. L'enquête confiée à un hydrogéologue agréé des services d'hygiène préconise l'établissement de périmètres de protection autour des plans d'eau. Outre la baignade, le canyoning et autres activités aquatiques devraient aussi être interdits.

Tout le monde s'y attendait plus ou moins, tant l'annonce de la fermeture des bassins de la ravine Saint-Gilles a été médiatisée ces derniers mois. Pourtant, l'ouverture des dossiers d'enquête publique a jeté un coup de froid sur le site généreusement baigné dès les premières lueurs du jour, par les rayons de soleil qui ricochent sur la falaise. "Je trouve purement scandaleux qu'on puisse interdire l'accès à ces bassins", s'insurge Jean-Marc Ovide, venu pique-niquer au bord de l'eau avec sa petite famille. Comme Jean-Marc, ils sont nombreux à exprimer le même sentiment de révolte à l'idée que l'on puisse fermer "nos" bassins. Pourtant "pour des besoins domestiques", ils devront faire avec (ou plutôt sans) puisque le site a été reconnu d'utilité publique. "La préservation de la ressource en eau est notre premier objectif", précise Pierre Lapelerie, ingénieur au bureau des travaux de Saint-Paul. "Mais on va essayer aussi de préserver au mieux l'attrait touristique".
Les bassins de la ravine Saint-Gilles les fameux Cormorans, Malheur et Aigrettes font l'objet d'une étroite surveillance depuis quelques années. Ils constituent, en effet, un apport non négligeable pour l'alimentation en eau potable des écarts de Plateau Caillou, Boucan-Canot, Bois-de-Nèfles et l'Éperon notamment. Depuis le 1er janvier 1997, la municipalité saint-pauloise - qui a la responsabilité de la production, de la distribution et donc de la qualité du liquide au niveau du captage - étudie la possibilité de mettre en place un périmètre de protection des ressources en eau.
Le dispositif de protection imposé par la loi du 1er janvier 1992 et applicable depuis deux ans maintenant, vise à protéger les sites concernés contre la pollution diffuse, périodique et accidentelle, pouvant provenir des activités agricoles et industrielles, de l'urbanisation par le rejet des eaux usées, mais aussi de la fréquentation humaine.

SITE VULNÉRABLE

Une enquête hydrogéologique commandée par la commune démontre l'existence d'une nappe souterraine qui émerge dans la ravine entre le bassin Malheur et le Verrou. "Cette nappe constitue sur la côte ouest une ressource en eau remarquable par sa qualité et son débit", précise dans son rapport, Jean-Lambert Join, hydrogéologue agréé en matière d'hygiène publique.
Selon ce rapport, la situation des captages en aval et la présence de canaux de dérivation à ciel ouvert confèrent au site une grande vulnérabilité aux pollutions bactériologiques et déversements accidentels. "Ces conditions générales nous conduisent à proposer la définition d'un périmètre immédiat à accès réglementé", poursuit l'expert qui évoque la possibilité d'une clôture fermée interdisant totalement l'accès des animaux et des hommes aux ouvrages de prise d'eau. Mais en raison des débits de crues importants, Jean-Lambert Join préconise d'éviter tout aménagement risquant de faire obstruction au libre écoulement de la ravine.
Ce périmètre sera néanmoins matérialisé par une ligne de clôture (fil barbelé) interrompue dans le lit de la ravine (en amont et en aval) et sur les principaux points de passage existant. Les conditions d'accès et la réglementation du site seront signalées à chaque ouverture. A l'intérieur de ce périmètre, seul l'accès pédestre sera toléré aux personnes non autorisées, sous réserve d'aménagement spécifique. De plus, l'accès respectera certains principes : le cheminement des personnes non autorisées devra s'effectuer sur des itinéraires balisés, distingués des canaux d'adduction d'eau lorsqu'ils sont à ciel ouvert. En outre, une barrière devra matérialiser la limite du sentier à proximité des ouvrages et canaux.

INCOMPRÉHENSION DES USAGERS

Enfin le cheminement devra s'effectuer sans marcher sur l'eau. Tout un programme... Par ailleurs selon l'étude, une information claire et précise devra sensibiliser les utilisateurs au problème du respect des captages. Ces mesures doivent être complétées par un entretien régulier du site. En ce qui concerne la station de traitement, celle-ci sera intégralement clôturée de manière à en interdire tout accès autre qu'aux services et personnels autorisés.
Les conclusions de l'enquête font également apparaître la nécessité d'établir un "périmètre rapproché soumis à interdictions s'étendant en amont jusqu'à l'agglomération de Saint-Gilles-les-hauts" et qui s'applique à l'ensemble des captages de la ravine. Ce périmètre vise à protéger la nappe dans la zone d'influence directe des ressources de la ravine et jusqu'à une altitude suffisante pour garantir une épaisseur de terrain volcanique supérieure à 50 m au-dessus de l'aquifère.
Sur le bassin versant de la ravine Saint-Gilles, considéré comme zone de surveillance renforcée, les activités susceptibles de porter atteinte à la qualité des eaux seront recensées et contrôlées au regard de la réglementation générale... "Cette zone a pour objectif d'attirer l'attention des services compétents sur le risque existant d'un transfert de pollution par les écoulements superficiels au sein du système hydrologique de la ravine", conclut l'enquête.
Même si personne ne veut encore l'admettre ouvertement, au vu des conclusions de l'étude, dans quelques mois ç'en sera fini des plongées dans l'eau et descentes en rappel pour les canyoneurs. "Nous trouvons ça vraiment injuste", explique "Ti Guy", habitué des lieux. "Pendant les vacances, nous venons ici avec les amis. Où va-t-on aller se baigner maintenant ?". Comme Ti Guy, nombreux sont ceux qui hésitent à aller sur la plage. "Il y a trop de monde", ajoute Adrien. "Et puis, ici c'est plus intime pour nous et plus convivial". Mais tout ne sera pas perdu pour autant puisque la municipalité étudie des possibilités d'aménagement pour maintenir l'attrait touristique du site. Triste consolation pour les baigneurs qui devront "aller voir ailleurs"...
Par le biais des enquêtes publiques, les dossiers sont instruits par les services communaux. Dès l'ouverture officielle de la consultation, le public disposera d'un délai d'un mois pour donner son avis. À partir des remarques des uns et des autres, le Comité départemental d'hygiène et la Direction de l'agriculture et de la forêt seront chargés de rédiger un rapport final qui sera ensuite soumis à la préfecture. Un arrêté délivré par le préfet devrait alors signifier l'interdiction des sites aux baigneurs et à certaines activités...

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* Le canyoning menacé
Le rapport de l'enquête publique est un épais dossier de plusieurs centaines de pages. Selon ce rapport "le site de la ravine Saint-Gilles ne fait pas l'objet d'une interdiction préfectorale en matière de pratique de canyoning. Mais la décision préfectorale devrait prendre effet dans le cadre de l'institution du "périmètre de protection".

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GROS PLAN

Etude de faisabilité de bassins de baignade
pour désengorger les plages

La ravine Saint-Gilles rayée du projet



La décision de fermeture de deux des trois Bassins de la ravine Saint-Gilles risque de drainer encore plus la population vers les plages. Une étude confiée à une équipe de chercheurs de l'université de la Réunion a mis pourtant en évidence la nécessité d'"établir des bassins de baignade qui fixeraient une population".
Les plages sont victimes de leur succès et surtout de la surpopulation. Chaque année, en effet, plusieurs milliers de personnes "s'écroulent" sur les quelque 25 kilomètre de plages de l'île. Surtout en période de vacances, comme actuellement, où se dorer la pilule au soleil après avoir piqué une tête dans l'eau tiède semble faire le plus grand bien.
Mais cette surpopulation - qui préoccupe de plus en plus les pouvoirs publics - entraîne des risques pour l'environnement selon les chercheurs de l'Université. Les études qui se sont succédé ont démontré que les plages se vident inexorablement de leur sable. Bien sûr, le phénomène est lié à une cause naturelle, mais la responsabilité humaine est réelle selon les scientifiques qui se sont intéressés au profil naturel des plages. Le rapport fait état d'une nette régression des plages coralliennes des régions balnéaires de la Réunion, spécifiquement dans l'Ouest où s'est fixée la plus grosse partie des baigneurs.
La dernière enquête en date confiée à Guy Fontaine, maître de conférence en géographie à l'Université de la Réunion, a donc mis l'accent sur la nécessité d'aménager des bassins de baignade d'eau salée et d'entretenir les sites déjà existants pour les bassins d'eau douce, "bien plus fréquentés par la population créole que par celle d'origine métropolitaine", selon les résultats de l' "Étude de faisabilité de bassins de baignade à la Réunion". Seulement voilà, il sera d'autant plus difficile de désengorger les plages de l'Ouest que les principaux bassins de baignade - qui se comptaient déjà sur les doigts d'une main - seront interdits au public et donc rayés du projet de désengorgement des plages. Après tout, la santé des administrés, qui passe par la préservation d'une bonne qualité des eaux distribuées, est plus importante que tout le reste...

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Le symbole de la nature pays
perd un atout

Qui n'a pas entendu parler des trois bassins? Au fil des ans, le site est devenu "une espèce de symbole de la nature pays". C'est une promenade tellement agréable que famille et amis y ont droit dès qu'ils débarquent à la Réunion. Aujourd'hui, ils sont des centaines, îliens ou métropolitains, étrangers lointains ou voisins, à afficher la même déception à l'idée que l'on puisse fermer les bassins. La fréquentation du lieu est en nette progression d'une année sur l'autre, parce que le site reste accessible à tous en peu de temps et constitue la balade idéale pour occuper une chaude journée. "Cet endroit est vraiment magnifique, surtout le deuxième bassin", lance Sandra, originaire de la région parisienne actuellement en vacances à la Saline. Selon elle, Saint-Paul devrait suivre l'exemple du canal de Provence, celui qui alimente la ville de Marseille depuis les captages de Digne. "Au lieu d'interdire l'accès aux bassins, il suffit en fait de brancher un ioniseur pour purifier l'eau", dit-elle. Comme ceux qui fréquentent régulièrement l'endroit, Sandra devra donc se contenter d'admirer de loin le bassin Cormoran et le bassin Bleu lorsqu'elle reviendra en vacances. Sur le site, se développe aussi un sport aquatique de plus en plus prisé, le canyoning. Cette activité attire beaucoup de touristes qui viennent s'initier chaque année à ce sport. Résultat de cette fréquentation assidue dont les acteurs ne maîtrisent pas toujours très bien les règles élémentaires du respect de l'environnement, la pollution s'est installée, menaçant la pureté de l'eau et du même coup la consommation des habitants.

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