Accident de Canyoning PGHM (suite)

   
 

 

( Documents Le Journal de l'Ile )


Après l'accident survenu dans un bassin de la rivière Sainte-Suzeanne lors d'un entraînement de canyoning

Le Samu sous le choc

Au lendemain de l'éboulement qui a coûté la vie à Kaïs Ouisi, un jeune interne d'origine tunisienne, père de trois enfants en bas âge, ses deux collègues médecins du Samu blessés ont été opérés et sont aujourd'hui hors de danger. Dans le cadre de l'enquête, une équipe du PGHM, un expert géologue et les hommes de la BRD se rendront sur les lieux du drame ce matin pour tenter d'en mieux comprendre les circonstances.

Au centre hospitalier départemental de Bellepierre, l'un des médecins du Samu manque à l'appel. Alors qu'il participait, avec six autres collègues dont un médecin militaire rattaché à la gendarmerie, à un entraînement de canyoning comportant une opération d'hélitreuillage qui avait débuté à partir du bassin Buf dans la rivière Sainte-Suzanne sous la houlette d'une équipe du peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM), Kaïs Ouisi a été écrasé par un bloc rocheux de près de trois tonnes.
Les secours héliportés arrivés sur place une trentaine de minutes après l'accident n'ont rien pu faire : le jeune médecin interne du Samu avait été tué sur le coup. Kaïs Ouisi, d'origine tunisienne, était à la Réunion depuis quelques mois seulement avec son épouse et ses trois enfants en bas âge. Au CHD de Bellepierre, le jeune interne était apprécié de tous ses confrères.

VIVE ÉMOTION

Autant dire que l'annonce de son décès a suscité une vive émotion et a laissé tout un service sous le choc. Aucun des responsables du Samu ne souhaitait d'ailleurs s'exprimer hier encore. Ils tentaient aux côtés de la direction du centre hospitalier de tout mettre en uvre pour que le rapatriement du corps de Kaïs Ouisi dans son pays d'origine se fasse dans les meilleurs délais.
Dans l'accident, qui s'est produit en fait au moment de l'avant-dernière descente en rappel prévue au programme de la matinée, au niveau du bassin Coquille, deux médecins-assistants ont été grièvement blessés lors de l'éboulement d'une masse rocheuse estimée à 20 mètres cubes, soit environ cinquante tonnes. Anne-Claire Barets et Philippe Cortambert ont subi une opération au CHD hier dans la matinée. Leurs jours ne sont pas en danger. Comme leur collègue Kaïs Ouisi, les deux médecins n'exerçaient dans l'île que depuis quelques mois. Ils participaient à un entraînement de routine qui devait leur permettre d'acquérir les bases de la progression en canyon et des manuvres avec l'assistance d'un hélicoptère. Comme leurs quatre autres confrères du Samu présents ce jour-là, ils étaient totalement novices. Mais le tronçon dans lequel ils ont évolué durant plusieurs heures était considéré comme "facile et sans risque". Aussi, rien ne pouvait laisser présager un tel drame.
L'un des trois gendarmes du PGHM, Christian Tibert, âgé d'une quarantaine d'années, qui doit prendre sa retraite l'an prochain, a été également blessé mais moins touché que les autres. Projeté dans le bassin par l'avalanche rocheuse qui lui a en partie arraché son sac à dos, il a brièvement perdu connaissance. Victime d'un traumatisme cranien et d'une fracture au poignet, il est cependant sorti de l'hôpital dès hier matin.
L'enquête, menée par la brigade des recherches de Saint-Denis, devra permettre d'établir les circonstances exactes de l'accident. A l'heure actuelle, ni le matériel, ni la responsabilité de l'encadrement ne sont mis en cause. Dans le cadre de l'enquête, l'Alouette de la gendarmerie est revenue sur les lieux hier matin aux environs de 9 heures. Accompagné d'un expert géologue, les hommes de la BRD et ceux du PGHM se rendront sur place ce matin pour tenter d'expliquer cet éboulement totalement imprévisible et savoir si un autre événement de ce type est encore possible.
Olivier Biscaye

Pas de signes
avant-coureurs

Pascal Poupaux, responsable de la société Austral Aventures basée à Saint-Gilles-les-Hauts, fait partie des prestaires de services spécialisés dans le canyoning qui proposent la descente de la rivière Sainte-Suzanne, théâtre de l'accident de mardi. "C'est tout près de Saint-Denis, facile d'accès et la descente est faisable même pour des clients sans grande pratique", confirme-t-il. "En cas d'affluence, puisque on y voit souvent plusieurs groupes s'y succéder dans la même journée, on peut se doubler sans se gêner". De fait, nous a déclaré hier Pascal Poupaux, "j'y suis encore passé trois ou quatre fois la semaine dernière". Le responsable d'Austral Aventures, qui localise parfaitement l'avant-dernier bassin où s'est produit l'éboulement meurtrier, interrogé sur d'éventuels signes avant-coureurs - tels la présence de blocs nouveaux, "frais", au pied de la paroi qui s'est effondrée - se montre affirmatif : "Nous aurions eu l'attention attirée par la présence de blocs anguleux et cela aurait entraîné des soupçons de notre part".
F. M.-A.

Jeudi 16 Mars 2000


APRÈS L'ACCIDENT SURVENU DANS UN BASSIN DE LA RIVIÈRE SAINTE-SUZANNE LORS D'UN ENTRAîNEMENT DE CANYONING

Un géologue sur les lieux pour une expertise

Trois jours après l'accident de canyoning à Sainte-Suzanne dont a été victime Kaïs Ouisi, un jeune interne du Samu, un géologue est revenu sur les lieux du drame hier matin. Dans le cadre de l'enquête, cet expert du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) est chargé de déterminer les circonstances exactes de l'accident. Selon la préfecture, les pré-conclusions de l'expert écartent - comme l'avait laissé entendre le Journal de l'île qui suivait l'équipe du Samu ce jour-là - toute responsabilité du matériel et des accompagnateurs. Toujours selon la préfecture, le géologue explique que l'éboulement aurait été provoqué par une montée du niveau d'eau quelques jours auparavant. Hier, les hommes du Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) ont supprimé les équipements utilisés pour les descentes en rappel sur la rive droite. A l'heure actuelle, seule la rive gauche est praticable mais reste néanmoins dangereuse, selon la préfecture. L'enquête, menée par les hommes de la brigade des recherches de Saint-Denis, se poursuit.
O.B.

Vendredi 17 Mars 2000


APRÈS L'ACCIDENT DE LA RIVIÈRE SAINTE-SUZANNE

Emotion chez les professionnels de la montagne

L'accident au cours duquel un médecin du Samu a trouvé la mort mardi - deux autres ont été blessés ainsi qu'un militaire - au cours d'un entraînement conjoint avec les gendarmes du PGHM, a touché tous ceux que leur métier ou leur pratique sportive lie aux secouristes meurtris dans leur âme et dans leur chair.

Les guides de canyon et accompagnateurs de randonnée en moyenne montagne en particulier, même s'ils ne l'ont pas forcément manifesté, partagent le choc éprouvé par ceux qu'ils avaient pour certains côtoyés au gré des circonstances de leur vie professionnelle. Mais le terrible accident de mardi - l'effondrement brutal d'une masse rocheuse de près de vingt mètres cubes au bassin Coquille, dans le lit de la rivière Sainte-Suzanne - touche aussi tous les pratiquants anonymes de la montagne réunionnaise qui ont croisé un jour ou l'autre médecins du Samu et gendarmes du peloton de haute montagne, au cours d'épreuves telles le Grand Raid. Plus d'un concurrent ou d'un simple randonneur doit une fière chandelle aux hommes en blouse blanche et aux militaires reconnaissables à leur polo bleu ciel: le jour où ils ont eu besoin des sauveteurs, jamais ils n'ont vu arriver avec autant de soulagement la silhouette familière de l'Alouette 3 de la gendarmerie.
Mais les sauveteurs, mardi, se sont brutalement retrouvés en position de victimes. Et malgré la carapace que se forge un sauveteur chevronné, il y a toujours l'homme, avoue l'un d'entre eux. Avec quatre des leurs - trois médecins et un gendarme - bloqués dans un chaos de blocs, le réflexe professionnel a néanmoins joué sans hésitation, il en aurait été impossible autrement : pour les gendarmes, la descente en rappel pour accéder au site de l'accident, en dépit du risque non négligeable que d'autre blocs s'effondrent Pour les médecins, la vision de leur collègues et amis inertes Une scène difficilement soutenable. Le difficile dégagement des victimes, toujours sous la menace de la falaise Leur transport à travers le bassin vers un lieu plus sûr en attendant l'arrivée des secours Prévenir les familles, un devoir encore plus terrible qu'à l'accoutumée.

"AU PIED DE LA CASCADE, ILS JOUAIENT..."

Les équipes touchées par le drame vont devoir se relever très vite de ce coup du sort, un véritable défi à surmonter.
Trois jours après l'accident, Greg Sobczak, guide de canyoning de la société Austral Aventures, a effectué jeudi, comme prévu de longue date, la descente de la rivière Sainte-Suzanne avec des clients en vacances dans l'île. Ils ignoraient tout de l'accident. Il ne dissimule pas l'appréhension qui l'étreignait : "C'est un canyon que j'avais encore fait trois fois la semaine précédente. Ça m'a évoqué plein de souvenirs. Auparavant, au pied de la cascade, les clients jouaient et se bousculaient dans l'eau".
Bien évidemment, ils ont contourné par une voie sûre, en rive gauche, la zone dangereuse. La présence des blocs monstrueux au pied de la paroi lui a fait froid dans le dos. C'est ensuite seulement qu'il a dévoilé la tragédie à ses clients, ils ont partagé son émotion. Aucune erreur humaine n'est en cause dans cet accident, comme le laissaient entendre les premiers témoignages rapportés dans notre édition de mercredi, une hypothèse confirmée par l'expertise réalisée jeudi par un géologue : l'événement était imprévisible. Il a fallu qu'il se produise à l'un de ces très rares moments de présence humaine dans le canyon de la rivière Sainte-Suzanne - comme dans la plupart des canyons - à cet endroit précis de surcroît. Une fatalité d'autant plus terrible pour ces professionnels qui d'habitude n'hésitent pas à tout donner pour sauver la vie des autres et d'autant plus pénible à accepter.
François Martel-Asselin

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Le passage dangereux fermé

Alors que certains pratiquants du canyoning redoutaient une mesure de fermeture pure et simple de la rivière Sainte-Suzanne, seul l'accès rive droite du canyon est désormais interdit au niveau du relais R11 (cf. le topoguide des canyons de la Réunion de Pascal Colas, édition Maison de la montagne). La préfecture de la Réunion a donc suivi l'avis des techniciens, ce à quoi chacun souscrira. Les hommes du Peloton de gendarmerie de haute montagne ont procédé au déséquipement de ce passage en détruisant les amarrages.
Selon le géologue du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) qui a procédé à l'expertise du site jeudi matin, les risques d'éboulement sont en effet toujours importants sur le passage considéré car "le bloc effondré est en situation d'équilibre instable", précise la préfecture. Les adeptes du canyoning doivent donc passer en rive gauche au relais R11, où "aucune dégradation des conditions courantes n'a été constatée". La prudence est toutefois de rigueur et il faut bien évidemment éviter toute la zone au pied des cascades envahie par l'effondrement de mardi dernier.

Dimanche 19 Mars 2000


 

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