DECOUVRIR LE CANYONING A LA REUNION ...

 

 

 

 

 

Premier contact avec l'activité canyoning a l'Ile de la Réunion : témoignage rapporté par le journaliste du JIR...

( Documents Le Journal de l'Ile)

LE JOURNAL DE L'ÎLE VOUS INVITE A DÉCOUVRIR LA RÉUNION AU TRAVERS D'ACTIVITÉS DE PLEINE NATURE

Assis dans le vide, à 35 mètres du sol

La Réunion, paradis du canyoning, l'expression n'est pas surfaite. Ici, tout le monde trouve son compte. Du néophyte au confirmé, les nombreuses ravines qui parsèment l'île permettent de s'initier à l'activité, ou de se faire des montées d'adrénaline aussi vertigineuses que les sites que l'on descend en rappel. Depuis une dizaine d'années qu'il est pratiqué dans les hauts, le canyoning offre aujourd'hui 70 sites équipés que l'on peut découvrir grâce à des structures professionnelles où le maître mot est "la sécurité" avant tout.

Vendredi dernier, six heures du matin. Encore un peu dans le brouillard, je prends la direction de Saint-André où nous attend notre guide. Le temps est beau sur toute l'île sauf sur l'Est où il crachine. Pour mon initiation, on devait se rendre à Trou Blanc, dans le cirque de Salazie, mais vu les conditions, "Bulon", le moniteur, préfère ne pas prendre de risques. "Apparemment, ça devrait se dégager mais la météo est tellement changeante qu'on pourrait monter pour rien", explique-t-il. Depuis une dizaine d'années qu'il est à la Réunion, je me doute qu'il connaît son affaire. Changement de programme, et c'est tant mieux, on fera du coup la descente de la rivière Sainte-Suzanne, en partant du Bassin Boeuf.

S'ASSEOIR DANS LE VIDE

Pour quelqu'un qui n'a jamais pratiqué le canyoning et qui pour être franc n'aime pas trop se jeter dans le vide, autant vous le dire tout de suite, j'ai un peu gambergé les jours qui ont précédé. Et puis, bien sûr, comme le touriste qui prend l'avion pour la première fois et qui voit un crash à la télé, il y a eu le terrible accident en Suisse l'avant-veille. C'est pas trop rassuré que je me gare donc sur le parking où l'on va décharger le matériel et s'équiper. "Bulon" nous explique posément à quoi sert tout l'attirail qu'il extirpe du coffre de sa voiture. Il y a des cordes, des casques, des cordes, des baudriers, des cordes, des combinaisons, des cordes, des mousquetons... et des cordes. Engoncé dans ma combi, j'ai l'impression d'être un bibendum Michelin et je me demande bien comment je vais pouvoir bouger là-dedans. Très vite, en pénétrant doucement dans l'eau glacée (il est 8h30...) du Bassin Boeuf, je comprends l'utilité du néoprène. C'est cette fois-ci bien réveillé que je commence à crapahuter en suivant notre petit groupe. Un petit plouf, une balade dans la forêt agrémentée de quelques arrêts "infos botaniques", c'est plutôt sympa. On saute maintenant de caillou en caillou et, tiens, premier vide. "Bulon" s'arrête au pied de la falaise et commence à installer les sécurités sur la roche, qui est déjà équipée en vis en tous genres. "Qui commence ?", lance-t-il. Je n'ai jamais été du genre volontaire, donc je laisse poliment la place à mon voisin, de 15 ans mon cadet qui, lui, semble tout excité... Nouvelle explication de "Bulon" et Matthieu s'élance dans le vide avec un large sourire qui barre sa face. Son frère Simon en termine quand "Bulon" m'invite à le rejoindre au bord du "gouffre". Un p'tit coup d'il en bas histoire d'avoir les jambes coupées. Tiens, c'est pas si haut finalement, environ dix mètres.
Je prends la corde, dévisse mon mousqueton, la faits passer dans la grande boucle du huit et l'entoure autour de la petite boucle.
Je referme le mousqueton, je vérifie que tout est bien fixé, je ravale la corde pour qu'elle soit bien tendue, et je vérifie encore que tout est bien amaré. Je croise "Bulon" du regard avant qu'il me lâche la phrase que je "mourais" d'entendre : "C'est bon, tu peux y aller..." Normalement, en faisant face à la paroi, il faut se pencher en arrière et s'asseoir dans le baudrier, les pieds à plat sur la roche. Mais là, petit problème, j'ai l'impression que je vais tomber. Il y a bien sûr le côté mental, l'appréhension, mais aussi le physique : "j'ai l'impression que je vais me casser la g...". "Bulon" me sourit et me rassure : "T'inquiète pas, ça va aller". S'il le dit. Je me cramponne à la corde une dernière fois, la lâche pour placer mes deux mains sur ma droite et c'est parti.
Au début, je fais l'erreur de descendre un peu trop à la verticale, les pieds en bas. Sur les conseils de "Bulon" et Anne, le cinquième élément du groupe et la seule femme, je me redresse péniblement et tente de "m'asseoir". Pas facile, même si ça s'arrange un peu sur la fin. Ouf, le plancher des vaches. Je me détache, recule un peu pour voir sur quelle corde descend Anne afin de l'assurer. "En cas de problème, il suffit de tirer sur la corde pour retenir celui qui descend", nous a informés "Bulon". Celui-ci nous rejoint en dernier, en à peine quelques secondes. Toute la différence entre un "pro" et un débutant. On traverse un nouveau bassin, l'eau est un peu moins fraîche.
On retrouve le lit de la ravine, et on se dirige vers un nouveau trou. "Il n'est pas plus haut mais plus abrupt, d'ailleurs sur la fin, vous serez dans le vide avant de vous retrouver dans l'eau", explique notre guide. Je me sens plus rassuré en voyant de la "flotte" en dessous ce coup-ci.

"CELUI-LÀ FAIT 35 MÈTRES"

Le départ est toujours aussi hésitant, "c'est le fait de me lâcher qui me retient", que je dis à "Bulon", histoire de lui faire comprendre pourquoi je suis un peu bloqué. "Au fait, merci Anne", dis-je avant d'y aller, puisque c'est elle qui m'a embarqué dans cette aventure. Mais une fois dans le vide, je parviens à trouver cette fameuse et indispensable position. Il reste deux ou trois mètres avant l'eau, je donne plus de mou et je lâche tout. Plouf de joie.
Et un deuxième rappel qui nous font deux. Deux autres plus ou moins hauts suivent avant la pause casse-croûte. On prend le temps d'apprécier la nature, de regarder autour de soi ce site propre, car difficile d'accès sans équipement, c'est si rare de nos jours. Assis au soleil, on apprend aussi à se connaître les uns les autres.
C'est tout l'esprit du canyoning : pas seulement que du sport mais une journée conviviale où l'on prend son temps, où on respire à pleins poumons l'air pur de la nature. Reposés, on repart vers un promontoire de 5 mètres où le saut dans le vide fait partie du programme. Pas le temps de faire la sieste ! Deux cents mètres de marche plus loin, j'aperçois les cimes de quelques arbres qui me font dire qu'il y a là un gros trou... Il y a aussi cette étrange sensation d'un vide qui approche. "Bulon" nous demande d'arrêter à quelques mètres de la falaise. "Plus question d'avancer maintenant", nous intime-t-il. Anne se penche vers moi et me glisse, "celui-là, il fait 35 mètres...". Ça vous est déjà arrivé d'avoir du mal à déglutir ? Comme d'habitude, c'est Matthieu qui s'empresse d'ouvrir le chemin. Je passe en troisième. Je m'attendais à quelque chose de plus vertigineux mais la paroi est en pente douce avec de la végétation. Là, la corde est quand même doublée et c'est "Bulon" lui-même qui assure tout le monde. Je prends ma respiration comme si j'allais me faire une bonne apnée et hop, je me retourne dans le vide. Ça descend plus difficilement car il y a beaucoup plus de longueur de corde.
La roche défile devant moi et je touche enfin le sol après trois longues minutes de descente, pas peu fier. D'en bas, ça paraît moins haut mais on se dit quand même qu'on est très bien les pieds dans l'eau.
Le petit groupe est au complet sur la berge. C'est fini ? On rentre au parking ?... Ça serait vraiment trop bête de vous raconter la fin de l'histoire, des fois qu'un autre vide encore plus haut que le dernier serait à suivre. Vous n'y croyez pas ? Allez donc vérifier par vous-même. Comme ça vous pourrez dire vous aussi : "Je l'ai fait !"

Mardi 3 Août 1999


retour sommaire