ACCIDENT DE CANYONING AU BRAS DU DIMITILE

   
 

 

Le Canyoning a la Réunion est endeuillé en ce mois de septembre 1999. Un jeune canyoniste expérimenté se tue dans un canyon qu'il avait récemment ouvert avec ses amis. Son seul tort a sans doute été de partir "SEUL". Rapellons-nous sans cesse les règles de sécurité de base ...

( Documents Le Quotidien )

 

 

 

 

 

Saint-Joseph : il était parti seul dans la descente de Grand-Coude - rivière des Remparts

Chute mortelle en canyoning

Il avait pris toutes les précautions d'usage à l'exception d'une : il était parti tout seul. Frédéric Bertil, un pratiquant pourtant chevronné de Petite-Ile, âgé de 22 ans, a trouvé la mort dans la vallée de la rivière des Remparts, au terme d'une chute d'une dizaine de mètres dans le bras de Dimitile.

Hier, 6h45. Le téléphone sonne à la permanence du peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM), basé à la caserne de la Redoute à Saint-Denis. A l'aide d'un portable, trois jeunes canyoneurs lancent un message de détresse depuis les contrebas de la région de Grand-Coude, village juché sur l'étroit plateau situé entre la rivière des remparts et la rivière Langevin. Ils viennent de découvrir le corps sans vie d'un de leurs amis. Domicilié à Manapany-les-Hauts, à Petite-Ile, Frédéric Bertil a été victime d'un accident de canyoning.
Sans plus attendre, l'hélicoptère de la section aéronautique de la gendarmerie décolle. A son bord, deux gendarmes du PGHM s'apprêtent à mener une énième opération de secours en terrain accidenté. L'équipe d'intervention se dirige vers le bras de Dimitile, un affluent de la rivière des Remparts, en aval du plus connu bras de Mahavel et de l'îlet de Roche-Plate.

UNE CORDE TROP COURTE

C'est là, au sommet d'un cassé de 100 mètres, qu'ils aperçoivent les trois jeunes. En contrebas, le corps de leur ami gît en partie immergé dans un bassin.
Hélitreuillés jusqu'au corps, les sauveteurs constatent le décès du jeune homme et effectuent les gestes d'usage. Pendant ce temps, les amis de la victime sont transportés par hélicoptère jusqu'au stade de Grand-Coude. C'est du reste sur ce stade que le corps du jeune homme sera par la suite examiné par un médecin local avant d'être transporté à la morgue.
Sur les lieux de l'accident, les gendarmes du PGHM cherchent à reconstituer le puzzle du drame. Une plaie sur la cuisse droite laisse penser que le canyoneur a fait une chute. Mais les circonstances de cette chute sont loin d'être évidentes. Même si certaines hypothèses sont d'emblée écartées par les gendarmes.
Une corde est retrouvée près du cadavre. "Elle ne faisait que 46 mètres. C'était bien trop court pour descendre une telle falaise", nous confiera par la suite l'un des sauveteurs. Il semblerait en effet que le jeune homme soit dans un premier temps arrivé à mi-hauteur de la falaise. Il avait alors fixé sa corde à l'un des relais existants pour découvrir, à une dizaine de mètres du sol, que la corde était trop courte. A ce moment-là, a-t-il décidé de sauter au lieu de remonter ? Cette hypothèse est peu probable. En effet, la victime portait encore son sac à dos. Un autre sac, ventral celui-là, a été découvert quelques mètres plus loin, les bretelles arrachées. Or, il semble évident que si le canyoneur avait décidé de sauter, il se serait débarrassé de ses sacs avant de s'élancer dans le vide. Alors, aurait-il été victime d'un malaise ? Rien ne permet pour l'instant de l'affirmer, alors que l'on tente de recenser toutes les explications plausibles. Quant aux causes précises du dèces, outre la chute elle-même, elles sont pour l'instant inconnues, même si les sauveteurs penchent pour celle de la noyade, le jeune homme n'ayant pu se relever de sa lourde chute dans le bassin pourtant de dimensions modestes.
Ce qui est sûr, c'est que le jeune homme était un canyoneur aguerri. Bien équipé, il portait son casque et transportait un équipement complet relativement lourd, dont une pharmacie d'urgence. Ses proches savaient qu'il devait s'absenter deux jours entiers. Ses amis connaissaient son itinéraire par le menu puisque ce sont eux qui l'avaient emmené en voiture jusqu'à Grand-Coude jeudi dernier.

DERNIER SIGNE DE VIE JEUDI

De plus, c'est Frédéric Bertil lui-même, aidé de ses amis canyoneurs, qui avait ouvert cet itinéraire. Autrement dit, le trajet qu'empruntait le jeune homme de Petite-Ile avait été reconnu et équipé par lui. "Les relais étaient en béton", remarquait même l'un des sauveteurs. Témoignant par la-même du sérieux avec lequel la voie a été ouverte.
S'il n'était pas tout à fait un professionnel, le jeune Sudiste n'en était donc pas moins un canyoneur averti. Sa seule imprudence aura été de s'aventurer seul dans les gorges du bras de Dimitile. C'est du reste ce qui rend les circonstances de cet accident aussi obscures. Outre une corde semble-t-il trop courte le sportif a vraisemblablement aussi commis une erreur, mais laquelle ? Un pratiquant confirmé du canyoning interrogé hier soir n'écartait pas l'hypothèse - aussi incroyable paraisse-t-elle au profane - de l'inattention fatale qui consiste à descendre sans que la victime potentielle - tout à son effort - ne s'aperçoive de l'approche de la fin de la corde
Un doute subsiste également quant à l'heure du décès. Le corps sans vie de Frédéric Bertil a été découvert par ses camarades samedi matin à 6 heures. Mais grâce au carnet de bord que tenait le jeune homme - qui se montrait très méticuleux en notant sa progression - l'on sait que le canyoneur était sur les lieux de l'accident dès jeudi à 17h45. Les résultats de l'autopsie effectuée par le médecin-légiste King-Siong devraient éclairer les enquêteurs sur ce point.
Nathalie Le Bouder

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Découvert par trois
de ses amis

Sa famille ne s'est inquiétée que vendredi soir car Frédéric Bertil l'avait avertie qu'il partait pour deux jours. D'ailleurs, en pratiquant chevronné, il avait emporté avec lui de quoi s'alimenter, son duvet, et de quoi s'abriter sommairement, comme on le fait en canyoning. De surcroît, il était très bien équipé, avec du matériel pratiquement neuf et sûr. Il avait la renommée d'être un canyoneur de très bon niveau et sa famille comme ses amis lui faisaient confiance. Aussi, ne le voyant pas rentrer, ses proches ont d'abord pensé à des problèmes de liaison, de transport de matériel par exemple. Elle a demandé à ses amis - Yan Nicolas, 24 ans, de Petite-Ile, et les frères Fabrice et Thierry Hoarau, 24 et 22 ans, de Saint-Joseph - d'aller à sa rencontre.
Avec leur 4x4, ils ont remonté la piste de la rivière des Remparts en direction du bras du Dimitile puis sont redescendus jusqu'à Saint-Joseph, sans le croiser. Constatant qu'il n'était toujours pas rentré, ils sont repartis jusqu'au pied de la voie descendant de Grand-Coude, sur la rive gauche du bras du Dimitile, à la hauteur de la cressonnière, presqu'à sa jonction avec la rivière des Remparts, un peu au-dessus de l'îlet Edouard. Par une nuit sans lune, ils ont appelé leur camarade et ami, mais seul l'écho des montagnes leur répondait. Ils sont redescendus sur Saint-Joseph, décidés cette fois à partir sur ses traces. En pleine nuit, ils ont pris la direction de Grand-Coude et ont amorcé dans la nature sauvage de l'endroit les trois heures de descente nécessaires pour arriver au pied de la voie nouvelle que les canyoneurs avaient ouverte peu de temps auparavant. Ils était environ 6 heures, hier matin, lorsqu'ils ont aperçu, du haut du cassé, le corps de leur ami, immergé cent mètres plus bas dans un trou d'eau, la tête en bas et les pieds à environ cinquante centimètres en dessous de la surface. Ils ont alors, à l'aide du téléphone portable qu'il avaient emmené, appelé le 93.09.30 - plus facile à retenir sous la forme 930 930 -, le numéro du peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) que tous les habitués de la montagne réunionnaise connaissent par cur en priant de ne jamais avoir à l'utiliser.
J.-P. S.

Il cultivait la rigueur dans sa pratique

Frédéric Bertil avait 22 ans. Il vivait chez ses parents. Passionné par le sport de pleine nature, aimant la vie et l'effort, il cultivait la rigueur, désireux de faire partager les joies que lui procurait le canyoning, selon ses proches. Il venait d'obtenir un contrat de travail lui permettant de se consacrer à sa passion, en tant qu'animateur de canyoning auprès de l'association Réunion Sud Canyoning (RSC) du Tampon. Il devait partir en métropole pour suivre une formation de haut niveau afin de perfectionner ses connaissances pour en faire bénéficier l'association. Il se préparait donc mentalement et physiquement à cette nouvelle étape avec beaucoup de sérieux et de persévérance. C'était un combattant. Il avait le goût de l'effort. La vie, confiait-il dans l'intimité, est un challenge sur la nature et sur soi.
Conscient des potentialités de la Réunion en matière de tourisme sportif et de de grand air, il misait beaucoup sur le développement de cette activité à la mode et était fier d'apporter sa pierre à la construction de la Réunion à grand spectacle. Il était à l'origine, avec des proches, de la création de l'association Loup, un mot qu'il affectionnait car il signifiait pour lui, au travers de l'animal mythique, la nature encore sauvage et respectée.
Au-delà du canyoning qu'il pratiquait depuis cinq à six ans, il aimait la natation, le VTT, deux sports-loisirs qu'il pratiquait régulièrement. Il était aussi un volleyeur de niveau régional, jouant comme attaquant auVolley-ball club de Petite-Ile (VBCPI).
A l'extrémité de l'impasse des Grillons, au-dessus de la route Hubert Delisle, à Manapany-les-Hauts, Petite-Ile, là où habitait Frédéric Bertil, c'était hier la consternation générale. De nombreux amis, voisins, amateurs de canyoning, sont venus nombreux apporter leur soutien aux parents et à la famille de la victime.
J.-P. S.

Dimanche 12 Septembre 1999

Accident de canyoning : décès par noyade

Au lendemain de la découverte par ses amis de l'accident mortel dont a été victime Frédéric Bertil, 22 ans, originaire de Manapany-les-Hauts, dans sa descente du bras de Dimitile dans la vallée de la rivière des Remparts, en amont de Saint-Joseph (voir notre édition de dimanche), le docteur King-Siong, médecin légiste, a conclu à une mort par noyade. Le jeune homme a probablement heurté un rocher au cours de sa chute, dont les circonstances précises n'ont pas encore été établies, même s'il semble selon les gendarmes du PGHM chargés de l'enquête qu'il possédait une corde trop courte. Comme il se trouvait seul, son immersion lui aurait été fatale.

Lundi 13 Septembre 1999

 

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