Les bassins de Saint-Gilles
fermés pour de bon
   
 

 

( Documents Le Journal de l'Ile )


Le site de la ravine Saint-Gilles (Bassin des Aigrettes, Bassin Malheur, Bassins des Cormorans) officiellement interdit au public par décret pour des raisons d’hygiène et de sécurité. C’était en mars dernier et après quelques grilles vite arrachées, pliées ou trouées, la fréquentation n’avait pas bougé d’un iota. Depuis quinze jours, la situation a cependant radicalement changée. Entre 6 h et 19 h, un gardien veille en permanence et la clôture a été renforcé. En rendant le dispositif totalement hermétique. Ou presque…

 

La “phase de pédagogie active”, comme l’appelaient les services municipaux, a fait long feu. Le citoyen et la citoyenneté étant souvent des notions antinomiques, depuis l’interdiction, les visiteurs de la ravine Saint-Gilles, haut lieu du tourisme de l’Ouest, ne faisaient que passer rapidement devant les panneaux d’information et d’interdiction. Ou marcher dessus, selon l’état de la signalétique, qui était vandalisée régulièrement. Ainsi, l’arrêté préfectoral relatif aux risques d’éboulement et l’arrêté municipal protégeant une des seules ressources en eau d’une région connue pour son aridité, avaient été édictés depuis plusieurs mois sans être appliqués. Comme d’ailleurs des milliers de textes réglementaires et législatifs, dont la production effrénée et au contenu toujours plus alambiqué commence à sérieusement inquiéter les syndicats de magistrats. Mais c’est une autre histoire. En l’espèce, ces arrêtés reposent en effet sur des bases simples, compréhensibles de tous, et relevant du bon sens. “Le site renferme 3/5e de la réserve en eau de Saint-Paul, se baigner dans les bassins, c’est se baigner dans le verre d’eau des Saint-Paulois de l’Eperon à la Saline-les-Hauts, en passant par Saint-Gilles-les-Hauts et Villentroye.”

RISQUES SANITAIRES RISQUES D’ÉBOULEMENT

“La loi sur l’eau de 1992 nous oblige à clôturer le périmètre approché du captage”, résume Jean-Marc Bénard, le “Monsieur eau” de la commune. Ces mesures se heurtent néanmoins à une tradition culturelle quasi séculaire des populations de la zone, à laquelle se superpose la dimension touristique d’un site qui figurait parmi les plus fréquentés de la Réunion. Depuis quinze jours, de la pédagogie active, on est passé à une étape plus radicale de la protection du site. D’une part, le parking a été totalement fermé au moyen d’un lourd portail. La clôture a par ailleurs été renforcée et élargie. Mais surtout, le périmètre est dorénavant surveillé physiquement par un agent de la sécurité, pointant de 6 heures à 19 heures. Comme le potentiel attractif du site dans sa version nocturne se résume, au mieux, à quelques chutes dans le noir, la mesure est dissuasive pour la plupart des visiteurs. L’agent doit cependant resté attentif, car il est quasiment impossible de rendre l’accès des bassins totalement hermétique, notamment en s’infiltrant plus en amont du parking, pour redescendre sur les conduites du captage.

“ON EST DÉÇU”

De son poste situé sur le parking, le gardien, s’il a l’œil, peut néanmoins repérer les intrus, puis les intercepter. “Ce sont plusieurs dizaines de personnes qui viennent tous les jours par en haut”, explique l’agent qui était en faction hier. “Le plus souvent, ils comprennent et repartent.”
Le plus souvent, les voitures de location s’arrêtent à hauteur du barreau, flanqué d’un énorme panneau de sens interdit, leurs occupants aperçoivent le gardien tout de noir vêtu, puis repartent généralement dépités. “On est là depuis dimanche, on pensait qu’on pouvait entrer. C’est indiqué sur notre guide. On est un peu déçu, il y a pas mal de chose qu’on ne peut pas voir”, déplore un couple de Chtis en vacances, en scrutant les indications du Guide du Routard 2003. Dans les prochains jours, comme le souligne Jean-Marc Bénard, un courrier sera adressé à tous les hôteliers pour qu’ils cessent de mentionner la ravine Saint-Gilles comme une possible étape du parcours touristique.
En réalité, pour être tout à fait objectif, il est encore possible d’accéder aux bassins par une voie détournée connue des habitants ayant grandi sur ce périmètre, et qui connaissent très bien leur environnement. Mais ces intrusions “locales” représentent une goutte d’eau parmi le torrent de touristes qui fondaient annuellement sur les bassins de la ravine.
“Le problème, ce n’est pas quelques personnes, mais quand des milliers se baignent annuellement”, relève à cet égard un élu de Saint-Paul.

• L’autre gardien des lieux
Officiellement, tout le monde est logé à la même enseigne, et personne n’est autorisé à franchir le lourd portail qui constituait le principal accès de la ravine Saint-Gilles. Officieusement, quelqu’un bénéficie d’une dérogation tacite. Georges n’est pas un touriste, ni un boug du coin qui vient de temps à autre se détendre au bord des bassins. Depuis plus de douze ans, il “habite” la ravine Saint-Gilles, plus précisément dans une vieille ruine abandonnée. La maison du gardien de l’ancienne installation hydroélectrique. Georges coule une vie d’ermite, totalement en marge, et cultive son carré où se côtoient pois, maïs, zembrovate, … Et d’autres plantes vertes. Il ne sort que rarement, généralement pour aller chercher des bouteilles de “café blanc”. Nous lui avions consacré deux pages dans une précédente édition (voir Le Journal de l’Ile du 5/10/2001). Georges fait en quelque sorte partie du décor de la ravine, et représente un petit morceau de la mémoire des lieux. “On ne le connaît pas”, préfère quant à lui en sourire Jean-Marc Bénard…

Loïc Ton-That

• TROIS SOURCES D’EAU POTABLE À SAINT-PAUL
La ravine Saint-Gilles alimente en eau une zone comprise entre l’Eperon et la Saline-les-Hauts. Les autres secteurs de Saint-Paul sont alimentés à partir de deux autres installations de captage. La première d’entre elles se situe à la Grande-Fontaine dont l’approvisionnement remonte pour distribuer le Bouillon Grande-Fontaine, Fleurimont, Plateau-Caillou, le Guillaume, jusqu’à la route Hubert-Delisle. La station de Trois-Chemins, sur la RD 4 alimente la Plaine et Bois-de-Nèfles Saint-Paul, Sans-Souci, puis rejoint la route Hubert-Delisle jusqu’au Maïdo.

• DISPARITION DES CAMIONS-BARS
Le site de la ravine Saint-Gilles avait fait leurs beaux jours. Ils ont aujourd’hui disparu. Les deux camions bars du parking ne sont plus qu’un souvenir. L’un d’entre eux a brûlé dans des circonstances non élucidées, l’autre, tenue par une famille propriétaire d’un terrain adjacent, a baissé son rideau.

 

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